mardi 19 juillet 2011

l'Etape du Tour Mondovélo 2: Issoire/Saint Flour, la journée d'un patrouilleur endurant!



PERSPECTIVES POUR UN CYCLISME DURABLE
Communiqué n° 217


Si les prévisions météo étaient loin d'être optimistes pour cet Acte II de l'Etape du Tour 2011, les 6500 inscrits étaient loin d'imaginer ce qui les attendaient sur les 210 km du parcours entre Issoire et Saint-Flour...

Peu engageantes dès le matin, malgré les 16°C et une simple succession de courtes ondées sur la ligne de départ, les conditions météo faisaient renoncer plus de 2000 participants à prendre tout simplement le départ.
Pour les 4053 autres, mieux valait avoir prévu les vêtements adéquats et imperméables si possible pour espérer voir la côte des Orgues, quelques heures plus tard, à Saint-Flour !

Avec Didier Liger, Laurent Grisel, Stéphane Mulot, tous patrouilleurs Eco Cyclo, nous partions de notre hôtel à Saint-Flour dès 6h le matin pour récupérer les vélos que nous avions laissés à Issoire, dans le parc fermé, une bonne initiative d'ASO pour régler le problème de la logistique.

Nous étions vêtus en conséquence, plus ou moins chaudement, et si j'avais oublié les surchaussures et les gants longs, j'étais heureux d'avoir pensé au sous-vêtement thermique à manches longues, sur lequel j'avais ajusté les manchettes et le maillot de la Patrouille Eco Cyclo. Un K-Way parfaitement imperméable par-dessus le sac à dos contenant le matériel de réparation et quelques victuailles et papiers ferait l'affaire en cas de forte pluie. Heureuse idée !
Parce que, de la pluie, nous en avons eu ! Et pas qu'un peu...



Dès le départ de l'Etape, elle tombe par intermittence, assez faiblement. Partis dans le 3ème sas, quelques 7 mn après les premiers, après le traditionnel sprint de départ jusqu'à la première côte en sortie d'Issoire, qui disloque quelque peu le groupe, nous roulons à allure régulière dans les Gorges de l'Alagnon. Les concurrents sont plutôt prudents, d'autant plus lorsque nous dépassons un véhicule garé malencontreusement dans le fossé !

Un petit pont dont le revêtement est glissant étire sérieusement notre peloton, avant d'atteindre la côte de Massiac, longue de 5 km, qui lance véritablement les hostilités.

Et après, c'est le début de l'enfer...

Sur le plateau de Bru, aucun répit pour les coureurs. Le vent latéral succède au vent de face. 40 km/h en permanence, bien plus pour les bourrasques, nombreuses. Les éventails se créent, au gré de l'expérience des uns et des autres, ça crie, ça hurle, ça râle, chacun essaie de sauver sa place pour ne pas subir la bordure fatale... A ce jeu là, je ne lâche rien ! Sautant de groupe en groupe avec d'autres pour atteindre désormais des gars au dossard plus favorable !

Sur le bord de la route, à chaque croisement, à chaque intersection, des véhicules dans lesquels s'abritent ceux qui déjà n'en peuvent, n'en veulent plus...
La température, avec ce vent et la pluie qui redouble toujours plus d'intensité, est véritablement tombée, en-dessous des 10°.

Je consulte mon compteur, à peine 17 à 20 km/h, il est vrai que les talus succèdent aux talus et que la pente atteint parfois 6% pour parvenir au col du Baladour. Des pelletées de gars éjectés de leur groupe à chaque nouvelle difficulté ! Le mieux à faire est de ne pas réfléchir... Continuer... Se battre contre le vent et la pluie...
Les lunettes sont embuées, les yeux piquent... Le pire moment de la journée arrive, après 67 km d'efforts et de lutte intenses : la descente vers le premier ravitaillement, à Allanche. La descente est assez courte, mais face au vent, avec cette pluie froide qui giffle les visages, on dirait de la grêle ! Je tremble de tous mes membres. J'en double certains qui n'ont que leur maillot et de simples manchettes, parfois même pas de manchettes du tout... Ils n'iront pas loin, c'est certain...

Au centre du village d'Allanche, je m'arrête quelques instants, pour manger un bout de pâte d'amande, boire une gorgée d'eau... Il y a des cyclistes partout, réfugiés dans les boutiques alentours, dans des voitures ou des abris de fortune... J'entends ça et là des bribes de conversation "j'arrête", "ils ont stoppé la course", "plein d'abandons"... Une décision s'impose : elle est vite prise, je n'ai pas de moyen de revenir sur Saint-Flour autrement qu'en vélo, alors autant continuer !

Je repars doucement à l'assaut du col de Montirargues, assez roulant, et nous ne sommes pas nombreux, les gars repartent au compte-gouttes, toujours sous la pluie, un peu moins drue... Rapidement, avec l'aide d'un bon rouleur, dossard 190, nous revenons sur un peloton d'une douzaine d'unités, pour parvenir au pied de la difficulté principale, le Pas de Peyrol et ses 1589 mètres... Quel chantier ce doit être là-haut !

Au passage, j'aperçois la "zone de jetage" de Segur-les-Villas ; avec tout ce vent, il y a bien plus de déchets en dehors de la zone que dedans ! Il y a là quelque chose à repenser car tout au long de la route, les images seront identiques...
L'ascension du Pas de Peyrol, via le col de Serre, que nous évitons de peu et le col d'Eylac, au plus fort de la pente dans les 3 derniers km, n'est pas à proprement parler un instant si difficile que cela. L'effort produit pour effacer les pourcentages permet d'encaisser la baisse de température. Mais les jambes sont lourdes et raides, après autant d'eau, de froid et de lutte contre le vent. Les pourcentages à 2 chiffres du sommet du Puy Mary font mal ! Un spectateur lance à chacun des participants, à quelques hectomètres du sommet, son ordre de passage... "200", me lance-t-il lorsque j'arrive à sa hauteur ! 200 ? Il y a eu tant de dégâts que cela ?!!
Très rapide arrêt au sommet, où la température est tombée à 2°, pour avaler un nouveau bout de pâte d'amande. A peine ai-je mis le pied gauche à terre, que je le sens trembler, et toute la jambe avec lui... Cette impression de ressentir des décharges électriques au niveau de la voûte plantaire ! D'habitude, c'est aux mains que cela se produit...

Je repars dans le brouillard et l'humidité, on ne voit rien à 10 mètres, il va falloir être prudent dans la descente, que je sais longue et sinueuse, pour l'avoir empruntée lors d'une "Antonin Magne". Le col du Redondet comme ultime petit talus avant la descente qui a vu, lors de l'étape des professionnels, la chute d'Alexandre Vinokourov. D'ailleurs, un malin a inscrit à la craie blanche dans la descente "Vino Out" à l'endroit de sa chute !!

Il n'y a plus de peloton, qui s'est disloqué dans la montée précédente... Il n'y a guère que 4 gars qui me passent dans cette descente effectuée à très petite vitesse : les freins répondent avec un gros temps de retard et pourtant ils sont neufs, montés de l'avant-veille ! Quelques zones de plat et toboggans avant Mandailles me permettent de reprendre un peu de vitesse...
Mandailles : au km 113, c'est le second lieu de ravitaillement. Malgré les conditions atmosphériques, il y a quelques spectateurs dans le village, joliment décoré. Je passe sans m'arrêter pour commencer l'ascension suivante, qui s'avérera être la plus compliquée : le col du Pertus. Une abomination !

Ca démarre mal, avec les lunettes toujours embuées, dès l'entame je roule un peu trop près de la bordure droite de la route, et soudain, après un petit écart pour éviter un caillou, je me retrouve dans le fossé ! Un trou mord sur la route et je me retrouve coincé entre le bitume et le talus... Plus de peur que de mal, un peu de difficulté à remettre les cales en place avec cette pente et c'est reparti, avec les encouragements des spectateurs. Il n'y a plus maintenant que quelques ondées, il me semble que la température remonte un peu... Je ne pense plus à l'abandon, en revanche, le compteur, lui, a des ratés : il indique, au plus fort de la pente des -10 à 14% ! Il est devenu fou... De fait, je ne peux même plus me fier à l'altimètre pour mesurer ma progression vers le sommet !

Pour la première fois dans la descente du Pertus, nous rencontrons des portions de route sèche... Du coup la vitesse augmente, ça fait du bien aux jambes comme au moral. Un petit groupe de 4 se reconstitue pour parvenir jusqu'à la station de Super-Lioran, en passant par le court et roulant col de Cère, reconnu la veille en voiture.

Encore une fois, la descente permet de prendre une grande vitesse, en ligne droite. Nous avons désormais le vent dans le dos. Enfin ! Et j'en profite à fond, sur la belle et large route qui nous amène vers Laveissière et la côte de la Chevade. Chaque nouvelle ascension devient usante pour les organismes, je double beaucoup de concurrents qui semblent au bout du rouleau physiquement, dont certains que je connais et dont je sais qu'ils ne sont pas du tout à court d'entraînement...

Après une rapide descente vers Murat, c'est le second gros morceau du jour qui est à l'approche : le Prat de Bouc, en contrebas du Plomb du Cantal, plus haut sommet du Cantal. Un long faux-plat menant à Albepierre permet d'arriver à 5 km du sommet, où la pente s'accentue nettement.

A Murat, je suis surpris de doubler nombre de dossards 6000 à 7000, qui semblent plus évoluer en randonneur qu'en cyclosportif. J'aurai la confirmation un peu plus tard que, les conditions climatiques détestables aidant, beaucoup d'engagés ont été orientés par les gendarmes au pied du Pas de Peyrol vers Saint-Flour par un itinéraire bis.
La traversée d'Albepierre, où la route très défoncée que j'avais connue sur l'Etape Sanfloraine a fait place à un excellent et agréable revêtement, me réchauffe le coeur, à défaut de réchauffer le corps ; j'entends scander mon prénom par les ami(e)s sur le bord de la route ! Je ne les attendais pas à cet endroit et, je continue le moral regonflé à bloc !



Au col du Prat de Bouc, contrairement à mes habitudes, je fais une halte à l'immense point ravitaillement, très bien approvisionné et tenu par des personnes dévouées, aux paroles réconfortantes. Je m'y arrête 5 bonnes minutes pour refaire le plein des bidons (seulement à moitié vides) et manger des morceaux de bananes, d'oranges et autres parts de quatre-quart.
Il reste alors quelques 60 kms, qui sont principalement descendants.

D'abord 3,5 km de descente du Prat de Bouc à toute allure, malgré les gouttes qui retombent de nouveau, et une succession de petites côtes courtes et de longs faux-plats descendants.
2 costauds reviennent de l'arrière, alors que je viens d'accrocher un groupe de 3, et la vitesse durant 20 km va être proprement vertigineuse, frolant régulièrement les 50 km/h de moyenne, toujours et principalement vent dans le dos. Tant et si bien que nous reprenons un bon groupe d'une quinzaine de gars au pied de la dernière difficulté, la côte d'Alleuze. Quel choc de se retrouver, au détour d'un virage, nez à nez avec ce chateau d'un autre âge, surplombant un rocher !

j'en oublierais presque la pente ! 2 km effectués à bonne allure, certains sont décrochés. Il fait presque chaud maintenant, la pluie a cessé et la route est presque sèche.

Après ces 2 km de montée, un léger répit avant encore 2 km d'ascension moins prononcée, ce sera pour certains le coup de grâce, l'endroit où j'aurais entendu le plus de plaintes du style "ça ne fait que monter !"

Les 12 derniers km avant l'arrivée sur Saint-Flour ne sont plus qu'une aimable balade. Comme si tout le monde s'était concerté pour profiter de ces derniers instants sur le vélo, tourner les jambes, se laisser porter dans cette longue descente vers Saint-Flour... Heureusement, le vélo ce n'est pas uniquement se faire mal !

Enfin, le dernier virage pour aborder la dernière côte, la côte des Orgues, celle dans laquelle chacun rêve de déboucher depuis le départ. Le groupe se désunit, les moins usés cherchant à grapiller qui une place, qui une seconde... J'entends encore quelques encouragements d'un ami patrouilleur dans le virage, mais je suis incapable d'accélérer... Enfin, après 8h20 de selle, franchir la ligne d'arrivée est une vraie délivrance, la médaille tendue par une charmante demoiselle à l'arrivée n'est pas galvaudée cette fois !

Bravo pour cette organisation remarquable, sans faille ou si peu, car dans de telles conditions, tout a été mis en oeuvre pour que le calvaire vécu par nombre de participants soit abrégé, avec force camions et bus pour rapatrier les vélos et les coureurs sur Saint-Flour, d'innombrables véhicules de secours pour faire face aux hypothermies de certains participants ou encore gérer le retour par des itinéraires bis des cyclistes. Sans compter les nombreux motards de la Gendarmerie Nationale, qui ont accompagné les participants et sécurisé le parcours.

Laurent Lespagnol



- Les Patrouilleurs de l'Etape du Tour Mondovélo Acte 2:

- Patricia Berthelier
- Claire Jaunet
- Paul Antoine Lanfranchi
- Philippe Pouey
- Emile Arbes
- Jean Luc Leruste
- Stephane Mulot
- Laurent Grisel
- Thomas Simmons
- André Perez
- Pierre Ournier
- Didier Liger
- Thierry Saint Léger
- Pierre Gadiou
- Bernard Bartholome
- Camille Mourin
- André Bassery
- Dominique Derain
- Laurent Millerou
- Max Villain
- Patrick François
- Laurent Lespagnol

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Bravo!

Denis

Anonyme a dit…

bravo pour ton exploit et bravo pour un compte rendu vraiment reussi! renate

Anonyme a dit…

Bravo aux patrouilleurs qui ont fini cet EDT et aussi à ceux qui ont posé pied à terre car il fallait déja oser prendre le départ!
Coté Ecocyclo, c'est vrai que les filets ne servent pas à grand chose!

Anonyme a dit…

Beau CR Laurent!
Bravo à tous.
Que faire pour trouver autre chose que les filets?
A part garder ses emballages, pas beaucoup de solutions.
Stephane.

Pérez André a dit…

Bravo Laurent, un CR à la hauteur de ta superbe performance...
Quant à moi je reviens sur ces fameux filets réservés pour se débarrasser de ses emballages. Je n'étais pas convaincu sur mes 3 dernières EDT de ce procédé et je continue encore plus à l'être. Pensez bien qu'avec un vent comme on a eu ce dimanche 17 juillet il était impossible que les filets retiennent les emballages en papier. Je me suis permis de reprendre des cyclos profitant de ces fameuses zones de jetage pour leur faire des remarques. Ensuite vu mon classement il y avait 2 fois moins de cyclos devant moi par rapport à l'étape n°1 mais par contre 10 fois plus de déchets sur les routes, à méditer !!!!!

Anonyme a dit…

Complètement d'accord pour les filets, ça ne règle pas le problème et ça déresponsabilise les participants...

A lire l'interview dans "L'Equipe" de Jérémy Roy, membre de la commission Développement Durable de la FFC, qui propose une solution intéressante :

http://www.lequipe.fr/Cyclisme/breves2011/20110720_212035_-que-des-maillots-verts.html

Laurent L

Bruno CRESPY a dit…

Bonjour à tous et bravo aux finishers de cette EDT,

Les zones de jetage avec filets sont la pire solution qui existe car beaucoup de déchets ne sont pas récupérés, ça fait comme une poubelle qui déborde (vent, négligence, maladresse, etc...).
Mieux vaut ne rien mettre car ça déresponsabilise les gens ou alors faire comme l'Ardéchoise (toujours au top bien sur) avec des bacs, containers à la place des filets car les emballages sont jetés directement et ne s'envolent pas !
Au niveau des cyclos pollueurs, ça évolue doucement mais y'a encore de mauvais réflexes abrutis "pas vu, pas pris" c'est dommage...